Des personnalités controversées à l’origine du FC Nantes

          Le 19 juin 1940 les troupes allemandes entrent à Nantes. Le 12 août 1944 les troupes américaines y entrent à leur tour. Entre ces deux dates le FCN est né dans des conditions très “particulières”.

L’occupation de Nantes se résume dans l’esprit de beaucoup à un évènement majeur, l’exécution du Feldkommandant Karl Hotz par un commando des Bataillons de la Jeunesse venu spécialement de Paris, suivie d’une répression aveugle, en octobre 1941. C’est aussi un laps de temps durant lequel tout évènement touchant à la vie nantaise était contrôlé par l’occupant nazi avec l’assistance de français qui y trouvaient leur compte, ceux que nous appelons communément les « Collabos ».
Il est probable, pour ne pas dire évident, que la naissance du FC Nantes s’est effectuée sous le contrôle et avec l’approbation allemande. Il ne pouvait en être autrement. Difficile d’ailleurs d’y voir, de prime abord, quoi que ce soit de répréhensible, la création d’une équipe de football n’étant généralement pas un acte politique. Oui mais…
Quand on découvre bien des années plus tard que deux membres importants du premier comité directeur du FC Nantes et qui de surcroît ont joué un rôle déterminant dans la création du club, étaient adhérent d’une organisation collaborationniste, on peut penser que ces relations entre collabos et occupants ont pu favoriser les desseins de Marcel Saupin et Jean Le Guillou.

Il convient aujourd’hui de revenir sur le passé de ces deux hommes et de leur attitude durant l’occupation. Un passé trouble qui a longtemps été occulté mais qui doit aujourd’hui être mis en lumière.

Les deux amis adhéraient au groupe « Collaboration » en 1942, un mouvement qui prônait la rénovation française, la réconciliation franco-allemande et la solidarité européenne. Il était animé par l’ex-communiste et ex-PSF Charles Martin et présidé par Alphonse de Châteaubriant (Goncourt 1911 et Grand prix de l’Académie française pour La Brière en 1923). Le 23 avril 1941 sa conférence réunissait 1 500 auditeurs au théâtre Graslin. Le comité d’honneur de Collaboration, constitué en 1942, comprend certaines élites nantaise dont l’industriel Lefèvre-Utile, le colonel Boudot futur chef local de la Milice ou René Delafoy ancien député du bloc national. Sa propagande, « Collaboration » l’exerce par une publication à contenu antisémite : « La Gerbe », journal qui possédait alors 670 abonnés en Loire-Inférieure dont, sans doute, Saupin et Le Guillou.

Nantes pendant l’occupation

Image de la vie quotidienne nantaise à l’heure de la création du FC Nantes

          Pour Marcel Saupin, si seule la « collaboration » idéologique est avérée, son ami Jean Le Guillou a , pour ce qui le concerne, dépassé largement le cadre de la simple collaboration passive.

C’était en effet l’entreprise de Jean Le Guillou qui était en tête des marchés passés avec les Allemands.
Cette même entreprise de BTP qui avait déjà réalisé le marché de Talensac et le stade Malakoff avant guerre.
Le Guillou travaillait pour l’Organisation Todt, pour la Luftwaffe (Château-Bougon, Dinard), pour la Kriegsmarine et il s’était associé avec Walter, une firme berlinoise du BTP dans une co-entreprise dénommée GWL. C’est le grand profiteur local de la collaboration économique : ses profits lui permettaient d’acquérir cabarets parisiens, bijouteries, boutiques de haute couture, écurie de chevaux de courses (voir article : le jaune et vert pour couleurs).

Jean Le Guillou était devenu dès 1943 le président et le principal financier du jeune FC Nantes jusqu’à son arrestation le 9 septembre 1944.  Marcel Saupin se verra alors contraint de prendre la succession de son ami à la tête du FCN.

Contraint à l’exil en Suisse, Le Guillou revient après l’amnistie de 1951 tandis que son entreprise avait été temporairement mise sous séquestre en 1945. Une entreprise dont il reprend la direction à son retour.
Jean Le Guillou reprendra même la succession de son ami Marcel Saupin à la présidence du FCN lorsque ce dernier démissionnera en 1955, Le Guillou démissionnant à son tour en 1958.

Ce retour en « grâce » de Le Guillou peut paraître surprenant aujourd’hui. Il convient toutefois de rappeler que ce genre de retournement de situation ne fut pas rare. Un des plus représentatifs étant sans doute la réélection à Nantes en 1946 d’un député accusé d’avoir collaboré économiquement lui aussi avec les allemands : André Morice. L’homme devenant même ultérieurement Maire de Nantes alors que son passé était entaché de zones d’ombre pour le moins douteuses.

La création du FC Nantes est placée davantage sur fond de collaboration que de résistance, c’est une vérité mais pas une exception. L’affaire des Cinquante Otages, aussi dramatique soit elle, ne doit pas cacher la réalité de l’histoire nantaise entre 1940 et 1945. La Collaboration a été présente, variée, visible et autant sinon plus active que la Résistance, Jean Le Guillou et Marcel Saupin étaient deux figures nantaises de cette Collaboration.

Note de l’auteur : cet article ne fait que reprendre des faits avérés et reconnus depuis peu, en aucune manière  il ne se veut juger des agissements des personnes citées. N’ayant pas personnellement  connu cette période difficile de la société française, il me serait  facile mais incorrect de le faire, le seul objectif de ce texte étant d’informer les supporters nantais de la réalité des conditions qui ont encadré la naissance du FC Nantes.

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2 commentaires pour “Des personnalités controversées à l’origine du FC Nantes”

  1. Mémoires canaris » Blog Archive » Marcel Saupin “le lion” dit:

    […] de ce sujet sensible qu’il est traité dans l’article suivant : Des personnalités controversées à l’origine du FC Nantes. Tags: FC Nantes, Naissance, Président, […]

  2. Mémoires canaris » Blog Archive » Le jaune et vert pour couleurs dit:

    […] L’histoire fantastique du Football Club de Nantes « Le sport nantais avant 1943 Des personnalités controversées à l’origine du FC Nantes […]

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