Le sport nantais avant 1943

          La cité nantaise n’a pas, heureusement,  attendu l’avènement national du Football Club de Nantes pour découvrir le sport.

          Comme dans l’ensemble des grandes villes françaises le XIXème siècle a vu apparaitre les premières sociétés à vocation sportive dont le but premier est de permettre non seulement de développer les corps de la jeunesse mais aussi leurs esprits.

Les patronages joueront un rôle déterminant dans le développement des activités sportives. Dès 1846 l’Abbé Pierre Audrain, curé de la cathédrale de Nantes, organise le rassemblement de jeunes du quartier dans le but de leur apporter du divertissement. Ce n’était qu’un simple groupement et non une société, mais on peut le considérer comme ‘l’embryon’ de la St Pierre de Nantes qui voit le jour officiellement en 1881. Même si l’activité principale de la St Pierre se limitait alors à la marche on peut déjà apercevoir quelques adeptes de la “balle” qui s’exerçait de temps à autre sur le cours St Pierre. Mais la St Pierre possédait surtout un cercle très prisé où l’on pratiquait des jeux intérieurs divers.

Le cours St Pierre premier terrain de football nantais

          Le cours Saint-Pierre, le premier terrain de foot nantais

          Le 15 février 1891 est créée la société « Les Enfants Nantais de Sainte-Anne » dont l’activité des premières années s’articule principalement, elle aussi, sur les jeux de société, les dominos, le croquet et les cartes. A partir de 1898 cette association dispose d’un gymnase indispensable à la création en 1902 d’une section de gymnastique qui s’appelle « L’Hermine de Nantes». Le basket-ball ou “balle au panier” qui apparait des 1927 achèvera de bâtir la réputation de ce club.

                 Très tôt le cyclisme  ou “vélocipédie”occupe une place de choix dans le paysage sportif de la cité. Le 14 juillet 1895 est inauguré le premier vélodrome nantais, à Beauséjour. Il accueille les entraînements du Véloce Sport Nantais, puis ceux du Sport Vélocipédique Nantais. Un second vélodrome est inauguré en août 1897. Situé près de la route de Rennes, à environ 4 kilomètres du centre-ville, desservi par le tramway, c’est le vélodrome de Longchamp. Ce dernier possède une piste en ciment de 400 mètres, doublée d’une piste intérieure en terre de 300 mètres pour les débutants. Une pelouse pour poser les machines, des cabines de repos pour les coureurs et surtout des tribunes pouvant accueillir plus de 4000 personnes.  Il n’est d’ailleurs pas rare de voir 8000 spectateurs se réunirent autour de ce vélodrome pour assister aux grandes réunions.

          C’est dans ce vélodrome de Longchamp que la foule se bouscule le mardi 14 juillet 1903 pour assister à l’arrivée triomphale des coureurs du premier Tour de France après avoir parcouru les 425 km depuis Bordeaux. Cette étape fut remportée par Maurice Garin.  

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Arrivée des coureurs au vélodrome de Longchamp

          Le vélodrome de Longchamp sera supplanté par une nouvelle enceinte sportive en juin 1912, lorsque près de 5000 spectateurs assistent à l’inauguration du stade vélodrome du Parc des Sports, équipement municipal implanté sur le Champ de Mars, non loin du centre-ville et proche de la gare du réseau ferroviaire Paris-Orléans. La piste, longue de 400 mètres, est cimentée et entoure un gazonné pour la pratique du rugby (un sport alors en plein expansion).

C’est dans la vélocipédie que la région nantaise a connu son premier grand champion avec Lucien Mazan “Petit-Breton”, né à Plessé, qui fut l’un des plus grands coureurs du début du XXème siècle (vainqueur des Tours de France 1907 & 1908) .

Le célèbre ”Petit-Breton”

          Le sport collectif roi à Nantes, en ce début de siècle est le football-rugby car Nantes fut d’abord une terre d’ovalie. La naissance du SNUC, en 1904, s’inscrit à une époque où le rugby, implanté depuis 1897, est le sport collectif le plus populaire dans la cité ligérienne. C’est dans les années 1910, que le Stade Nantais va écrire ses plus belles pages jusqu’au titre de Champion de France décroché en 1917 ce qui lui vaut d’avoir son nom gravé à jamais sur le bouclier de Brennus. Les exploits de l’équipe du Stade Nantais Université Club, menée par son capitaine Pascal Laporte et dans laquelle évolue l’exceptionnel Percy Franck Bush, emblématique joueur gallois de l’époque, font alors accourir les foules de supporters au Parc des sports municipal du Champ-de-Mars puis au stade de Malville.

Jusqu’au déclenchement de la seconde guerre mondiale, le SNUC connaît une belle popularité et devient même incontournable sur Nantes.

Un de ses adversaires les plus farouches sur la scène locale était le Véloce Sport Nantais(créé en 1892) qui devint ensuite le Vélo Sport Nantais. Sa section rugby a vu le jour en 1906. En 1912, d’autres clubs de rugby se créent dans le département comme à Trignac ou Châteaubriant.

Le Stade nantais université club en battant Toulouse a obtenu, le 29 avril 1917, le droit d'inscrire son nom sur le bouclier de Brennus. Voilà l'équipe Championne de France de rugby pour la saison 1916-1917.

L’équipe du SNUC Championne de France de rugby pour la saison 1916-1917

Quelques joueurs clés du SNUC des années 1910 : Thyl, Griffiths, Bush , Laporte

Les premières “stars” du sport collectif nantais

 Le SNUC en action

          Mais alors et le “fout” me demanderez-vous ?

           Le football association est bien présent dans l’agglomération nantaise comme en témoigne la participation d’un FC Nantes (premier du nom) au premier championnat breton de football organisé par l’Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques (USFSA) en 1903.

Un autre de ses meilleurs représentants est la Mellinet. Ce club de quartier issu de l’ancien patronage de Notre-Dame-de-Bonport est fondé en 1902. En 1906 sa section football est officiellement affiliée à la Fédération Française de Football sous le n°41.

La St Pierre emboite le pas et est officiellement affiliée à la FFF en 1910. Avec le SNUC ces clubs sont les principaux représentants du football à Nantes avant la première guerre mondiale. La Fraternelle de Rezé engage sa première équipe de foot en 1911.

Les premières compétitions réellement organisées démarrèrent en 1912 et la St Pierre s’y distinguât rapidement.

La St Pierre championne en 1912

La St Pierre championne de Bretagne en 1912

          Malheureusement le grand tremblement de terre mondial viendra une première fois interrompre le bel élan et les compétitions.

Au terme de ces 4 années de conflit quelques rencontres furent organisées. Notamment sur le terrain de la Mellinet, le stade de la Contrie mais également aux Couets en Bouguenais ou au Petit Port. A cette époque la St Pierre football ne possédant pas d’aire de jeu elle se voit contrainte à migrer fréquemment chez les voisins. On imagine sans peine la passion qui devait habiter ces pionniers du ballon rond forcés de traverser la ville avant d’installer eux mêmes poteaux et barres transversales afin de pouvoir pratiquer leur discipline favorite.

Progressivement la paix et le sport reprennent leurs droits, les compétitions redémarrent aussi mais force est de constater que la notoriété des équipes de football nantaises peine à dépasser les frontières régionales contrairement aux formations de rugby locales.

La grande réussite déjà évoquée du SNUC le force à quitter les sommaires installations du Petit-Port où il s’exerce. En 1920, le stade de Malville (qui deviendra le stade Pascal Laporte en 1950) est construit. Il comprend un terrain pour le rugby et le football, un terrain d’entrainement, 4 courts de tennis, des vestiaires et une petite maison dont le rez-de-chaussée sert de Club-House.

Le cyclisme n’est pas en reste, en août 1924, 10000 spectateurs assistent à l’inauguration officielle du vélodrome-stade Petit-Breton près de la Contrie et la Durantière. C’est sur ce vélodrome que sera jugée l’arrivée des étapes du Tour de France en 1939 et en 1968. Il demeure aujourd’hui le dernier représentants des nombreux vélodromes nantais.

La St Pierre football, quant à elle, poursuit son petit bonhomme de chemin. Elle possède enfin dans les années 30 son propre terrain au Bois-Verdot (qui deviendra le stade de Bonneville actuellement occupé par l’Amicale de Don Bosco). Ce même stade que vendra la St Piere pour déménager définitivement sur son stade actuel à partir de 1936. L’inauguration du stade du Vivier se déroule le dimanche 13 septembre 1936 par l’organisation d’un match amical opposant les “Pierrots” à l’US La Baule. Parmi les onze joueurs appelés à représenter les couleurs bleues et rouges ce jour là figure un certain Jean Prouff, 17 ans, qui le dimanche 15 avril 1937 sur ce même terrain remportera le concours des jeunes footballeurs du district Anjou-Basse Loire. C’est le début d’une brillante carrière de footballeur professionnel qui le mènera en équipe de France (17 sélections) dont il deviendra même le capitaine.

La fin des années 30 est l’époque dorée des “Pierrots” qui vont gravir les échelons du football régional. Champion de 2ème division de District en 36/37 , Champion de 1ère division de District en 37/38, et enfin Champion de Promotion Honneur en 38/39 dans un groupe qui comprenait notamment La Mellinet. Cette première place est synonyme de qualification pour la phase finale du championnat de l’Ouest de Promotion qui désignera le promus pour la Division Honneur. De nouveaux exploits des pierrots réalisés sur le terrain de Lamballe notamment leur permettent d’être sacrés Champions de l’Ouest de Promotion et d’accéder à la Division d’Honneur, sommet du football amateur et anti-chambre du professionalisme. La seconde guerre mondiale qui est déclenchée trois mois plus tard vient interrompre le bel élan des “Pierrots”.

St Pierre 1938

Les glorieux “pierrots” de la fin des années 30

          Ses plus grandes rencontres la Saint-Pierre ne pouvait les organiser au Stade du Vivier, devenu trop petit pour ces grandes occasions. C’est donc dans le stade flambant neuf de Malakoff que les bleu et rouge accueillaient leurs adversaires.

Ce serait cependant mensonge que de déclarer que le stade de Malakoff ait été construit pour le football. C’est davantage en direction du rugby et du SNUC en particulier que la municipalité nantaise regardait au moment d’engager les travaux. Il faut dire que l’ancien Parc des Sports du Champ de Mars est devenu gênant lors des grandes foires commerciales qui s’y déroulent annuellement durant deux mois. Après divers projets, les élus nantais jettent leur dévolu sur les quais du quartier de Malakoff pour y construire un stade de rugby d’une capacité de 3000 places qui accueille son premier match le 3 octobre 1937 tandis que les tribunes ne sont que partiellement achevées. Six mois plus tard un match amical y est organisé opposant la St Pierre à l’Urania de Genève, les “aficionados” du football nantais commencent alors à prendre l’habitude de prendre la direction de Malakoff pour y assouvir leur passion.

Malgré la guerre et l’occupation par l’armée allemande les compétitions footballistiques reprennent en octore 1941 permettant à la Saint Pierre d’étrenner leurs nouveaux galons en Division d’Honneur

L’équipe nantaise, grâce à ses nouvelles recrues, est en mesure de jouer les premiers rôles en alignant l’équipe suivante : De Montmarin, Guillard, Bernard, Heslot, Gergotich, Jacotin, Le Fur, Kerdraon, Graslon, Loiseau, Ernesto, Vischer, Docquin. La grande finale de ce championnat se disputa à Malakoff devant 7700 spectateurs pour une recette de 102.000 Francs. Il était dit que le football ferait recette à Nantes. Pour la petite histoire Le Mans l’emporta devant le Stade Quimperois par 2 buts à 1. Durant cette saison et toujours à Malakoff, Le Mans avait éliminé la St Pierre avant de s’y faire éliminer par les professionnels des Girondins de Bordeaux (2-4).

C’est une époque où la Férération choisit souvent Nantes pour y faire disputer de grandes rencontres, le football est alors en train de s’imposer dans la cité des Ducs. La saison suivante, pour son deuxième exercice en DH la St Pierre continue de bien s’y comporter.

Le 18 avril 1943, la St Pierre dispute son dernier match de sa grande époque. Un évènement majeur est en effet en train de se dérouler qui va rapidement venir bouleverser le monde nantais du ballon rond.

La réussite  récente de la St Pierre accompagnée de l’engouement sans cesse croissant du public nantais pour le football permet d’entrevoir pour la première fois l’ambition de voir une grande équipe professionnelle à Nantes. 

Article suivant –> 1943 : la naissance d’un grand club

Pour ceux qui souhaitent en savoir un peu plus sur les pionniers :

Le site de la St Pierre de Nantes

Le site de la Mellinet

Le site du SNUC

Le site du Velo Sport Nantais

Le site de l’Hermine de Nantes

L’article Wikipedia consacré à Jean Prouff

L’article Wikipedia consacré à Lucien Petit-Breton

Lien vers un article consacré au vélodrome de Longchamp

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4 commentaires pour “Le sport nantais avant 1943”

  1. JJJ dit:

    On apprend aujourd’hui la mort de Jean Prouff. Il est bon à l’occasion de se souvenir que l’international et capitaine de l’équipe de France, figure essentiellement rattachée comme joueur puis entraîneur au Stade Rennais (même si c’est oublier un peu vite ses titres au Standard de Liège), fut révélé sous le maillot de la Saint-Pierre, qui lui permis après deux saisons de passer pro au SC Fives.

    Fonfon, tu nous fais un petit article-hommage à la gloire du foot breton ?

  2. Mémoires canaris » Blog Archive » 1943, la naissance d’un grand club dit:

    […] L’article précédent nous a permis de retracer les premiers pas du football dans l’agglomération nantaise. Les […]

  3. Mémoires canaris » Blog Archive » “Monsieur Prouff” n’est plus… dit:

    […] le football dans un club nantais. Non pas le FC Nantes qui n’existait pas en 1938 mais à la Saint-Pierre, un club dont les canaris sont les héritiers à partir de 1943. Pour la petite histoire, signalons […]

  4. Mémoires canaris » Blog Archive » Gergotich Martial - Héros Brestois, pionnier Nantais dit:

    […] déménagea donc pour Nantes, heureux et fier d’aller jouer dans un club qui évoluait en Championnat de France Amateur. Entre 1941 et 1943 Martial Gergotich fit donc partie de l’effectif des « Pierrots » qui […]

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