Saison 1945-46 : premiers pas dans le professionalisme
L’entrée du F.C Nantes dans le professionnalisme se déroule de manière satisfaisante. Les canaris apprennent vite, et leurs dirigeants deviennent rapidement ambitieux. L’objectif du F.C Nantes est déjà de rejoindre au plus vite le plus haut niveau national.
Président : Marcel Saupin
Entraineur : Aimé Nuic
Effectif : Bardou, Crépin (René), David (Gaston)(GK), Docquin (Emile), Drummer (Charles)(GK), Durand, Garrec, Gergotich (Martial), Giovannetti (Ludo), Heil (Albert), Kerdraon (Joseph), Le Floch (Job), Lemaître (Edmond), Lopez (René)(GK), Maestroni (François), Morin (René), Oulanoff (Bayir), Raab (Antoine), Rivero (Victor), Ruffini (Louis), Sellin (Maurice) et Suquet (René ?).
Football Club de Nantes
Saison 1945-46 :
De gauche à droite, debout : un dirigeant, Kerdraon, Gergotich, Sellin, David, Garrec, Lemaitre, Nuic (entr).
Accroupis : Rivero, Raab, Ruffini, Maestroni, Crépin.
Championnat : Deuxième Division Groupe Nord
Classement : 5ème (26 Matchs, 11 victoires, 4 nuls, 11 défaites, 47 buts marqués, 43 buts encaissés.
Buteurs : Crépin (16 buts), Lemaitre (5 buts), Le Floch (5 buts), Ruffini (4 buts), Rivero (4 buts), Raab (3 buts), Maestroni (1 but), Docquin (1 but). Manque le nom des buteurs pour 8 buts.
Durant tout l’été 1945 le F.C. Nantes se prépare à faire son entrée dans le giron des clubs professionnels.
Les ambitions des dirigeants du F.C.N encouragent la municipalité à évoquer des nouveaux projets d’infrastructures sportives dans les ruines d’une cité défigurée. Lors d’une réunion de l’Office Municipal des Sports, présidé par l’adjoint aux sport, M.Maurice, on en vient à parler d’un programme d’amélioration du Stade Malakoff sur 3 ans. Il est même évoqué un nouveau “stade modèle” à construire sur l’Ile Beaulieu (Avenir de l’Ouest du 2/7/1945).
En attendant on se trouve donc un vrai siège social (au 3 rue Racine, près de la Place Graslin, à 100 mètres du Café Godineau tenu par A.Nuic et son épouse) et on engage un secrétaire (Albert Heil), puis on dépose la dépose d’homologation d’un contrat professionnel pour 9 joueurs : Maestroni, Docquin, Heil, David, Sellin, Giovanetti, Gergotich, Rivero, Kerdraon.
Dès le mois de septembre, des premières réunions sont organisés pour la création d’un club de supporters “sur l’initiative du directeur de notre chronique sportive (A.PIC de l’Avenir de l’Ouest) et de M.Paul Piederrière, gérant du Café de Nantes…Le but du Club est d’aider et de récompenser par des pries spéciales les joueurs du F.C.N.”
Peu de changements dans l’effectif mis à la disposition de Aimé Nuic pour cette nouvelle saison, on repart avec les mêmes, avec le retour du demi-centre Garrec et les renforts des attaquants Ruffini (ex-Girondins Bordeaux) et Maestroni (ex-Longwy et La Roche-Rigault), ce dernier s’étant fait remarquer chez les amateurs lors de l’épopée de l’équipe de La Roche-Rigault en Coupe de France 1942 . Fils d’immigrés italiens qui ont fuit le fascime, François Maestroni est arrivé en Lorraine à l’âge de 2 ans. Il est fait prisonnier durant la guerre mais parvient à s’évader et rejoindre sa famille, réfugiée à La-Rigault (Vienne). En 1944 il rejoint les F.F.I de la poche de Saint-Nazaire jusqu’à sa libération avant de rencontrer Aimé Nuic. Ce dernier , rattrapé par le poids des années et des blessures, sera forcé de prendre du recul par rapport au terrain durant la saison pour se consacrer exclusivement à ses fonctions d’entraineur. Le capitanat sera alors confié à Maurice Sellin, une pièce maitresse de la défense. En fin de saison, dans les cages le parisien Gaston David sera concurrencé avec l’arrivée de Charles Drummer aussi surnommé le “petit Darui”. Un gardien spectaculaire et fantasque dont les sorties téméraires coûteront quelques désagréments aux canaris les saisons suivantes.
Un effectif qui semble convenir :
“Aimé Nuic reste entraîneur, et c’est très bien ainsi, car, partout où il est passé, il a fait ses preuves. Et il reste joueur aussi, tant il est vrai que c’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe. Les joueurs ? D’abord, toute l’équipe de la saison dernière. Des gars de chez nous, qui n’ont de leçons à recevoir de personne lorsqu’ils veulent s’en donner la peine…Notre équipe était belle et bonne la saison dernière. Pourquoi ne pas lui faire confiance ? Croyez-moi ! Des Gergotich, Kerdraon, Sellin, Lemaitre, Rivero, ne se trouvent pas à tout bout de champ…Alors faites confiance à nos gars et au F.C.N.
A.PIC” (Avenir de l’Ouest 9/8/1945)
Nouveau championnat et nouveaux statuts, donc, pour les footballeurs nantais lors de cette saison 45-46. Le professionnalisme des footballeurs de seconde division dans ces années 40 n’a pas grand chose en commun avec ce que nous connaissons de nos jours. Les salaires n’ont rien de comparable. Certes les joueurs pros vivent correctement de leur football mais la plupart d’entre eux sont souvent contraints de garder une seconde activité professionnelle pour arrondir les fins de mois. C’est pourquoi une autre mission du club des supporters sera d’aider les joueurs à trouver pour Bardou (boucher), Sellin (comptable), Kerdraon (employé de bureau) et Ruffini (chauffeur), un emploi qui leur permettra de vivre tout en jouant au football.
De même l’encadrement est minimal en dehors de l’entraineur et du comité directeur. Certes le FCN a engagé Albert Heil pour assurer les fonctions de secrétaire en plus de son rôle d’attaquant de l’équipe première mais pour le reste l’amateurisme n’est pas loin, notamment dans l’organisation des déplacements. Mais peu importe, le plaisir est là et l’équipe nantaise va faire honneur à ses couleurs lors de intronisation parmi le groupement clubs professionnels français. Rome ne s’est pas faite en un jour, le Football Club de Nantes non plus…
Un dernier galop d’entrainement face aux amateurs de Couëron, joué le 19 août 1945 et remporté très largement (9-2) qui permet à Nuic de faire une large revue d’effectif et découvrir les nouvelles recrues, il faut se préparer pour le championnat qui démarre la semaine suivante.
De haut en bas et de gauche à droite : Giovanetti, David, Docquin, Garrec, Lemaître, Raab, Sellin, Maestroni, Kerdraon, Gergotich, Crépin, Nuic, Rivero, Heil, Ruffini, Drummer, Morin, Lopez, Le Floch, Oulanoff, Suquet, Durand.
Pour leurs premiers pas en Deuxième Division Aimé Nuic et ses hommes sont invités à se rendre dans la capitale pour affronter le CA Paris, un bon club dont les origines remontent au début du football en France. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, c’est au prestigieux stade de Colombes, le stade Pierre de Coubertin, que les nantais donnent le coup d’envoi de leur saison officielle le 26 aout 1945.
Les canaris vont savoir profiter de circonstances favorables en première mi-temps pour prendre l’avantage par Crépin (39ème). A ce moment de la rencontre les parisiens sont réduits à jouer à dix, le temps que l’un des siens se fasse suturer le front. A la reprise, le C.A.P veut réagir mais se fait cueillir par un second but de Ruffini (64ème) sur centre de son ailier gauche, Crépin. “Le jeu reste saccadé, heurté, truffé de maladresses. Heil, l’autre ailier, rate un troisième but facile. Mais le score ne change plus et par deux buts à zéro, les Nantais, dont Gergotich, le demi gauche, fut le meilleur, l’emportent sur un C.A.P passablement brouillon et fruste, sauf en défense.” a été le meilleur de son équipe.
28/8/1945 (1ère journée D2) : C.A.Paris 0-2 F.C.Nantes
(Stade Pierre de Coubertin, Colombes)
(Extrait de Avenir de l’Ouest 29/8/1945)
Des débuts placés sous le signe de la réussite, le FCN enregistrant là sa première victoire en professionnel, de quoi donner de l’appétit au moment d’ouvrir la saison au Stade Malakoff avec la réception de Troyes.
Pour cette première rencontre du F.C.N à domicile le prix des places est fixé de 25 francs (gradins) à 70 francs (tribune Honneur). On ouvre un deuxième point de pré-vente des billets, en plus du Café Godineau tenu par Nuic, au Café du Cycle, Place Saint-Pierre : “Afin de faciliter la distribution des billets, (les guichets n’étant encore qu’au nombre de trois), ceux-ci seront en vente à partir de jeudi, non seulement au Café Godineau, 2 rue de l’Héronnière (le Café d’Aimé Nuic), mais aussi au café du Cycle, place St Pierre, ce qui évitera du dérangement aux spectateurs de la partie Est de la Ville.”
Finalement on ouvrira même un troisième point de vente au “Café de Roger, rue Paul Bellamy”.
Avenir de l’Ouest (30/8/1945) :
“Après sa belle victoire sur le C.A. Paris, le F.C.N rencontrera à Malakoff au terrain splendidement rénové par la municipalité, l’équipe pro de Troyes.. Nous avons indiqué que par suite des taxes d’Etat égales à 28%, le prix des places avait dû être sérieusement augmenté et, pourtant, la nouvelle municipalité avait fait un sérieux effort en diminuant le pourcentage de location du Stade Malakoff.
Rappelons que les membres du Comité Bienfaiteurs et actifs ont intérêt à passer le plus vite possible au nouveau siège, 3 rue Racine, à l’entresol, l’après-midi seulement, pour faire timbrer la carte au millésime de l’année, afin de pouvoir entrer dimanche prochain.”
Les choses se préparent donc et on s’organise pour que le F.C.N se montre à la hauteur de son nouveau standing de “Club Professionnel” même s’il apparait qu’il reste encore quelques poins à améliorer dans les relations avec la Presse :
Avenir de l’Ouest (1/9/1945) :
“Le Football Club de Nantes - du moins nous le supposons, car nous ignorons d’où et par qui nous vient son “chiffon” de papier - nous informe que son équipe qui inaugurera, demain, au stade Malakoff, sa saison en championnat de France professionnel sera constituée comme suit :
David- Rivero, Kerdraon, Sellin, Gergotich, Lemaitre - Heil, Nuic, Ruffini, Maestroni, Crepin.
C’est l’équipe qui a brillamment gagné son premier match pro…Est-ce le plus fort groupement que le F.C.N pouvait aligner ? ça c’est une autre histoire, car il existe des Raab, des Docquin, des Morin, qui avaient peut-être leur mot à dire dans l’affaire… Loin de nous le souci de jeter la pagaïe dans l’équipe. Aimé Nuic est évidemment beaucoup plus qualifié que nous pour choisir ses hommes. Qu’il ait placé au poste d’arrières ses deux meilleurs avants (Rivero et Lemaitre) cela le regarde… Nuic est le seul maître au F.C.N et c’est juste. Comme ce sera juste pour nous de lui dire, en toute franchise, qu’il s’est trompé dans la composition de son équipe, si par malheur - car nous aimons le F.C.N autant que lui - si le F.C.N, disons-nous est battu demain.
Non ! En toute sincérité, le F.C.N devrait inscrire sa seconde victoire en championnat des pros.
A.PIC”
La suite va malheureusement donné raison au journaliste. Devant 2600 spectateurs, le 2 septembre 1945, les canaris qui ne rééditent pas leur exploit parisien et s’inclinent (0-2).
2/9/1945 (2ème journée D2) : F.C.Nantes 0-2 A.S. Troyes
(Extrait de Avenir de l’Ouest 3/9/1945)
Dans un match engagé, les visiteurs font valoir leur puissance et leur métier “pratiquant un peu trop les ficelles des pros sous l’oeil d’un arbitre par trop bon garçon. Le F.C.N doit s’habituer aux rudes chocs : hier, il fut faible dans cette partie du jeu : son ensemble craignait visiblement le contact.”
Menés à la pause, les canaris dominent largement la seconde période mais restent stériles devant les cages avant de se faire prendre en contre.
La déception du public est légitime et l’équipe doit une revanche à ses supporters pour la réception de l’A.S Charente Angoulême qui vient à Nantes en position de leader après ses 2 victoires lors de ses 2 premières rencontres.
Cette fois Nuic prend le taureau par les cornes et le ton monte à l’entrainement.
Avenir de l’Ouest (6/9/1945) :
” Ça barde au F.C.N ! On ne sont plus qu’à effacer, au détriment d’Angoulême, la défaite de dimanche. Pour y parvenir, Nuic a pris le taureau par les cornes et les séances d’entraînement ne sont pas un amusement. L’autre soir, lors d’un exercice de bascule entre Kerdraon et Raab, le “Zeph” lâcha involontairement un léger…bruit. Antoine ne put s’empêcher de rire, et cela lui valut une punition d’un tour de piste. Même histoire avec Rivero, Raab ayant récidivé, encore un tour de piste ! Gageons qu’à ce tarif il trouvera le souffle.”
L’entraineur nantais doit aussi analyser les raisons de la contreperformance face à Troyes. Déjà , il doit se rendre à l’évidence concernant sa condition physique qui ne lui permet plus d’être à la hauteur de ce que l’on attend de lui. Avec quelques années et kilos supplémentaires, il n’est plus le joueur “international” que l’on était allé chercher 2 ans plus tôt. Face à Troyes il est apparu lourd et lent, sa “science” du football ne lui permet plus de masquer des carences physiques évidentes. Par ailleurs, si Lemaitre s’en est plutôt bien tiré dans son nouveau rôle de défenseur latéral, Rivero, lui, a beaucoup souffert.
Nuic apporte donc des retouches à son équipe avec la rentrée de Lopez dans les cages (qui remplace David touché contre Troyes), Docquin, un vrai défenseur rentre, et Rivero reprend sa place d’inter droit à la place de Nuic qui se met sur la touche. Raab n’étant pas encore qualifié et Garrec est toujours retenu par ses obligations militaires.
La composition des canaris est donc la suivante :
Lopez - Docquin, Lemaitre, Gergotich, Sellin, Kerdraon, Crespin, Maestroni, Ruffini, Rivero, Heil.
Avenir de l’Ouest (10/9/1945) :
“Grâce à un pénalty le F.C. Nantes arrache sur Angoulême une victoire méritée
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Victoire difficile certes, puisque enlevée “à l’arraché” sur pénalty, mais victoire méritée, quand on se rappelle l’ensemble de la partie. Battus en poids et en taille, par conséquent, sur les balles à reprendre de la tête ou à s’emparer épaule contre épaule, les Nantais eurent une besogne particulièrement pénible. Mais ils avaient la foi et la volonté avec eux et je ne crois pas que les Charentais étaient capables de mieux faire que le match nul.
Oh ce ne fut pas du grand football : les équipes étaient de valeur égale, très solides en défense, mais nulles en attaque, et comme elles n’avaient qu’un seul objectif, gagner à tout prix, la technique céda le pas à la tactique. Ce fut une rude bataille de vigueur, vitesse, décision, une ruée incessante à grands coups de botte vers le camp opposé. Et il fallut, pour sanctionner cet étrange débat un pénalty au milieu de la seconde mi-temps. Crépin ne le tira pas parfaitement puisque le goal eut la balle au poing, mais si violemment qu’elle fut déviée dans le coin de la cage.Puisse cette victoire redonner au F.C.N son autorité de l’an dernier.
A.PIC”
La défense s’est montrée cette fois très solide et Lopez a eu un après-midi plutôt tranquille. “Mais c’est en avant que l’équipe est vraiment faible. Heil fut sérieusement blessé ; ne le jugeons donc pas. Mais Crépin et Ruffini ratèrent tout ce qu’ils voulurent en tant que shoots. Excellente production de Rivero, rapide et fin, mais peu heureux dans ses tirs, et de Maestroni, qui se révéla travailleur courageux et bon technicien. Disons à l’honneur de Ruffini qu’il ne se contenta pas d’attendre la balle, et qu’il se battit vraiment pour l’obtenir.”
Avec 4 points en 3 rencontres disputées, le F.C.N se classe 4ème exæquo à 1 point des leaders. Un bon départ donc…
Le 15 septembre, on prépare le déplacement à Amiens. Le F.C.N fait passer un article dans l’Avenir de l’Ouest pour les convocations des joueurs seniors des 4 équipes du club nous permettant de découvrir le nom de ces joueurs du F.C.Nantes pros et amateurs :
Aimé Nuic emmène donc 13 joueurs en Picardie, ce qui signifie que, les remplacements n’étant pas autorisés à cette époque, 2 joueurs regarderont la défaite des nantais (0-1) en tribune sur un unique but marqué sur pénalty. Autre temps, autres mÅ“urs… le lendemain, lundi, les canaris sont invités à jouer une rencontre amicale (victoire 9-2) à Origny-Sainte-Benoite (près de Saint-Quentin) contre une sélection locale (un match de propagande comme on dit alors) : “La production du F.C. Nantes fut bonne et l’équipe fut vivement applaudie pour sa parfaite correction et son jeu plaisant.” De quoi s’attirer la sympathie et soigner son image de marque dans le monde du football.
Le temps de rentrer à Nantes et il faut préparer la réception de Colmar. On est assez inquiet avant cette rencontre chez les supporters : les alsaciens viennent d’en passer 4 à Angoulême que le F.C.N a eu bien du mal à vaincre et les blessés sont légion dans les rangs nantais. Maurice Sellin, “le policeman” de la défense, pièce maitresse dans le WM mis en place par Nuic, est rentré blessé d’Amiens et est forfait, on va le remplacer par Ruffini, l’habituel…avant-centre ! Le jeune Bardou, fait aussi sa première apparition au poste d’arrière droit.
La composition du F.C.N le 23/9/1945 face à Colmar est donc la suivante :
David - Bardou, Docquin - Kerdraon, Ruffini, Gergotich - Maestroni, Morin - Rivero, Lemaitre, Crépin.
On compte sur la fougue de Lemaitre en position d’avant-centre pour dynamiser l’attaque jaune et verte en difficulté lors des dernières sorties, et on ne va pas être déçus :
Rapidement menés contre le cours du jeu, les canaris emmenés par un Edmond Lemaitre déchainé font exploser la défense alsacienne dans une rencontre où leur engagement a surtout prévalu (6-2) : “Le F.C.N a gagné et nettement, parce que, pendant toute la partie, il prit l’ascendant sur son adversaire par plus de dynamisme, de volonté, de puissance et de vitesse et qu’il rechercha la bataille au lieu de la fuir.”
Cette large victoire à Malakoff avant le déplacement chez le dernier du classement, Mulhouse, qui n’a pas encore pris le moindre point, aspire à la confiance et à l’optimisme. Les canaris sont sur de bons rails, croit-on…
De fait la virée en Alsace, le 30 septembre, va tourner au cauchemar avec une très lourde défaite (6-1). Le début de partie montre pourtant la supériorité des visiteurs mais Gergotich, en chutant, se fait une cheville puis c’est Bardou, dans un choc, qui s’ouvre l’arcade et quitte temporairement ses équipiers durant 10 minutes. Bientôt c’est David qui se fait charger dans ses buts, il se relève mais ne peut plus se servir que d’un bras. Les Mulhousiens profitent des malheurs nantais et la pause intervient sur le score de 1-0 en leur faveur. Pourtant les bretons se montrent coriaces et vont parvenir à égaliser par Crépin. Mais quand les alsaciens marquent leur second but, les nantais s’écroulent et encaissent 4 nouveaux buts pour une lourde défaite (6-1).
Plus que les 2 points perdus en Alsace, c’est surtout les blessures combinées de David et Gergotich qui posent problème, car une semaine plus tard, on attend le S.C.O Angers à Malakoff pour l’une des rencontres les plus attendues de la saison. Les nantais et angevins se disputent le titre honorifique de champion d’Anjou lors de confrontations toujours très disputées.
Avenir de l’Ouest (28/9/1945):
“Le S.C.O Angers viendra disputer aux nantais, outre les deux points du succès, la première manche du titre de champion d’Anjou. Ce jour-là , le stade se révèlera bien trop petit, la tribune d’honneur n’ayant pas encore été remise en état, et le prolongement des tribunes n’ayant pas été aménagé en gradins. Il faudra se tasser.
Sur ordre de la Fédération, après réclamation des clubs visiteurs, le F.C.N vient d’être obligé de porter le prix des places à 100 francs,…et 25 francs. Cette augmentation ne va pas aller sans grincements de dents.”
Il convient d’expliquer que 40% de la recette nette du match revient au club visiteurs. Or il s’avère que, jusqu’ici, le prix des places à Malakoff est moins cher que dans les autres stades de la division. Les recettes à Malakoff sont, en effet, inférieures à celles qu’enregistrent leurs adversaires avec, parfois moins de spectateurs. A titre d’exemple, la recette des 2 premiers matchs à domicile des canaris a été de 117 000 francs et 108 000 francs quand dans le même temps celles du S.C.O sont de 166 000 francs et 192 000 francs. Les adversaires s’estiment donc lésés, d’où cette plainte auprès de la Fédération. Mais il convient aussi de dire que le F.C.N, se pénalise lui aussi avec ces tarifs, car sur une recette de 108 000 francs face à Angoulême, quand on aura retiré les prélèvements pour le Groupement Pro, pour la Caisse de Garantie Mutuelle et, surtout, la location du stade (25% de la recette brute) puis la part revenant aux visiteurs,le F.C. Nantes encaisse seulement qu’environ 30 300 francs, pour payer ses frais de fonctionnement et ses salariés dont les joueurs pros. La recette aux entrées est la seule source de revenus à cette époque… Alors quand certains supporters se plaignent de ne pas avoir de grosses vedettes dans leur équipe, sont-ils prêts à payer le prix aux guichets pour cela ?
Le 7 octobre c’est avec une équipe au complet et accompagnés de plus de 300 supporters que les angevins arrivent au Stade Malakoff en position de favoris face à des nantais diminués par les absences de leur gardien et de leur meilleur joueur.
Voici la composition des canaris : Lopez - Bardou, Docquin - Kerdraon, Ruffini, Sellin, Suquet, Raab, Lemaitre, Rivero, Crépin.
On constate la rentrée de Raab, enfin qualifié et la première apparition de Suquet, arrivé durant l’intersaison mais qui tarde à faire ses preuves.
La rencontre fut équilibrée, la défense nantaise fit front face à l’attaque redoutable des visiteurs, mais céda une première fois avant la pause sur un loupé de Bardou. Nullement découragés, les canaris redoublèrent d’efforts à la reprise, obtenant l’égalisation à la 65′ par Lemaitre, profitant d’une faute de main du gardien angevin. Malheureusement, dans les dernières minutes, le S.C.O parvint à remporter une victoire difficile mais méritée (1-2). En lever de rideau, le public a pu apprécier l’opposition entre les 2 réserves, le F.C.N alignant, entre autres, Nuic, Heil et Morin. Le score fut partagé (2-2), les deux buts nantais étant marqués par Le Floch, qui s’est fait particulièrement remarqué.
Après avoir obtenu un match nul méritoire (3-3) à Douai, dans “un match superbe” face à “5 polonais naturalisés qui ne jouent pas comme des petites filles”, la réception de Besançon est finalement reportée sur la demande des visiteurs.
Il faut maintenant se préparer à aller défier le leader, Nancy, sur ses terres…
D’entrée les nancéiens font le break en marquant par deux fois dans les dix premières minutes. On pense les lorrains partis pour une victoire facile et mettre une fessée aux nantais. Mais ces derniers se montrent courageux et vont rendre coup pour coup. C’est d’abord Crépin qui réduit la marque, mais Nancy réagit aussitôt (3-1). Crépin, encore, à la 41′, permet aux visiteurs de n’être menés que d’une marque à la pause (3-2). Tous les espoirs sont encore permis, d’autant que Ruffini égalise pour les canaris à la reprise. L’exploit est en marche… Non, une nouvelle fois les locaux réagissent et reprennent un avantage, défnitif cette fois, malgré les derniers efforts nantais de fin de match.
Une défait cruelle pour nos jaune et vert, encore par un but d’écart. L’enchainement de ces résultats négatifs depuis un mois et le report de la rencontre contre Besançon, font reculer le F.C.N au classement. Au soir de cette 10ème journée, ils se classent 11ème. En tête de classement, Nancy et le Stade Français se sont déjà envolés et les 2 places de promotion leur semblent acquises. Le S.C.O est troisième et tente de s’accrocher avec Valenciennes dans sa roue.
Les dirigeants commencent à mesurer les limites de leur équipe. Ils pensent qu’un renfort offensif est indispensable pour pouvoir rivaliser avec les meilleurs. C’est dans ce contexte que va intervenir, en octobre, le fameux “épisode Dawson“, un drôle de canari qui fera longtemps rire aux dépens des dirigeants du FCN.
Point de Dawson, le mirage anglais, à la pointe de l’attaque nantaise qui se présente au Stade Nungesser devant 7000 spectateurs, le 4 novembre, pour affronter les ambitieux joueurs de Valenciennes. C’est Joseph Le Floch, l’attaquant habituel de la réserve, ancien joueur de Basse-Indre, qui est chargé d’assumer le rôle de buteur. “Job” va parfaitement répondre aux attentes en marquant par deux fois. Les nantais mèneront même à la marque en deuxième période mais concéderont l’égalisation pour un nul équitable (2-2). David, le gardien et Antoine Raab furent les nantais les plus en vue dans “l’un des plus beaux matchs de la saison”.
Il est temps maintenant de confirmer ces dernières bonnes prestations en remportant la victoire qui fuit les canaris depuis 5 matchs, surtout à domicile, et surtout face à une équipe mal classée : Le Mans.
Pourtant d’entrée, les manceaux montrent des qualités techniques supérieures aux nantais, dont la qualité de la défense leur permet de laisser passer l’orage. Les canaris reviennent sur la pelouse après le repos avec plus d’ardeur et prennent enfin les choses en mains. Les manceaux s’énervent alors et multiplient les fautes grossières, l’arbitre s’énerve alors et renvoie aux vestiaires l’un d’entre eux, provoquant un beau chahut.
“Mais sur le coup franc qui fut tiré dans l’énervement général, sinon dans la confusion, la balle parvint à Kerdraon qui la botta vers la cage. Le goal, masqué et surpris ne put que l’amortir, et Le Floch, survenant, poussa gardien et ballon dans les filets. Résultat indiscutablement heureux, mais cependant mérité, et qui compensera certaines déceptions qui n’auraient pas dû s’abattre sur les gars de Nuic.”
Le F.C.N n’a pas survolé les débats, loin de là , mais remporte 2 points précieux et une victoire qui les fuyait depuis un mois et demi. David, a une nouvelle fois démontré sa classe dans les cages, il aligne les bonnes performances depuis quelques rencontres. On compte donc sur lui quand se profile le prochain adversaire à Malakoff : le prestigieux Stade Français et sa “perle noire” Larbi Ben Barek.
Ce dernier est une véritable star à cette époque. Bien que marocain, il est titulaire dans l’attaque de l’équipe de France depuis plusieurs saisons. C’est à Casablanca, où il s’est réfugié durant la guerre, que Helenio Herrera est venu le chercher pour un transfert record pour l’époque (on parle d’un Million de Francs). Le Stade Français a, en effet, des ambitions importantes et compte bien accéder sans coup férir à la Première Division rapidement. Ils ont donc monté une équipe en fonction, composée de plusieurs vedettes parmi lesquelles Domingo le gardien international, Grillon l’ancien arrière du Mans, ou Mandaluniz qui faisait le bonheur de Rouen jusqu’alors.
La venue des “Stadistes” parisiens à Nantes le 17 novembre est donc, l’évènement sportif de la saison attendu par tous les supporters.
A évènement exceptionnel, mesure exceptionnelle : le prix des places pour cette rencontre de gala est donc augmenté, de 120 francs en Tribune Honneur, à 30 francs dans les gradins.
On ouvre un nouveau point de vente des billets au Café des Primeurs, près du pont de la Moutonnerie, pour les gens de Doulon.
Par ailleurs beaucoup d’équipes de football décalent leurs match le dimanche matin pour pouvoir assister à la production des stars parisiennes qui n’ont perdu qu’une seule rencontre jusqu’ici, mais ça…c’était avant l’arrivée de Ben Barek !
C’est effectivement la grande foule qui se déplace à Malakoff en cet après-midi du 18 novembre. Le stade s’avère trop petit et les mains courantes finissent par céder sous la pression des spectateurs qui veulent voir jouer la star marocaine.
Le F.C.N se présente dans la formation suivante : David - Rivero, Sellin, Lemaitre - Raab, Gergotich - Suquet, Maestroni, Ruffini, Le Floch, Heil.
Docquin et Crépin sont blessés, et Kerdraon, pas très en forme ces derniers temps, n’est pas retenu pour ce match.
La première période est toute à l’avantage des parisiens qui dominent et marquent sur une erreur de Rivero. Gergotich a la lourde tâche de s’occuper de Ben Barek, le breton s’en sort très bien même si la “perle noire” fait montre de toute sa classe : “Ben Barek est bien la merveille annoncée. Par instants, son jeu tient autant du music-hall que du football. Son habileté sur le ballon est extraordinaire. “
Il inscrira lui même le but du 2-0 en lobant de la tête David, qui s’était avancé. Ce but intervient alors que le F.C.N était alors en train de sérieusement bousculer les parisiens, hélas Le Floch touchait le poteau et ne pouvait égaliser.
Une défaite honorable, certes, mais une défaite quand même. La recette de 426 000 francs laissée aux guichets viendra toutefois réconforter les dirigeants nantais…
18/11/1945 (13ème journée D2) : F.C.Nantes 0-2 Stade Français
(Extrait de Avenir de l’Ouest 19/11/1945)
La défaite sera beaucoup moins honorable le week-end suivant en Coupe de France sur le terrain de Saumur. Les canaris, encore une fois stériles en attaque se font éliminés (1-0). Et pourtant les nantais bénéficièrent d’un pénalty pour égaliser, mais Raab le tira dans les mains du gardien.
Cette sortie prématurée du FCN dès son entrée en scène face aux voisins amateurs de l’Olympique de Saumur est une nouvelle source de déception pour les supporters. Une élimination peu glorieuse qui, déjà , laisse augurer de fiançailles difficiles entre le club et la dame Coupe. Une fiancée qui se refusera longtemps au FCN jusqu’à un soir de juin 1979 où le mariage sera, enfin, consommé.
Tout pour le championnat donc. On attend une réaction avec la réception du C.A. Paris, une équipe battue à domicile par les canaris lors de la première journée. Mais, malgré une domination de tous les instants, c’est par le plus petit score (1-0) que les jaune et vert l’emportent grâce à un but de Raab qui se rachète ainsi de son pénalty raté le dimanche d’avant. La faiblesse de l’attaque nantaise, incapable de tirer au but quand l’occasion se présente, inquiète une nouvelle fois les suiveurs. Au soir de ce 13ème match, les nantais remontent en milieu de tableau (7ème).
En allant s’imposer pour la deuxième fois de la saison à l’extérieur, sur le terrain de Troyes (1-2), les canaris font une belle opération en même temps qu’ils prennent leur revanche sur le match aller, si décevant. Mais l’absence prolongée de Crépin, le meilleur buteur, et de loin…, les pénalise une nouvelle fois à Angoulême, sous une pluie battante, où ils laissent échapper un match qui leur tendait les bras après avoir ouvert la marque face à un adversaire en infériorité numérique suite à la blessure de l’un des leurs dès le début de la rencontre (2-1).
Le dernier dimanche de l’année est l’occasion de mettre le calendrier à jour en jouant le match contre Besançon, initialement prévu en octobre. Les nantais précèdent les bisontins de 2 points au classement, un faux pas serait mal venu. Après une bonne première mi-temps, durant laquelle, une nouvelle fois, l’attaque jaune et verte vendange des occasions faciles, les canaris se font prendre en contre par deux fois et doivent s’incliner (0-2).
L’année se termine mal, donc, pour les footballeurs nantais qui paraissent émoussés et ne pas jouer au meilleur de leurs capacités. On attend mieux de leur part pour 1946. Les dernières compositions d’équipes proposées par Aimé Nuic ont semé le trouble dans l’esprit des supporters et, surtout, de la presse qui n’a pas manqué de le lui faire remarquer. On attend donc de sa part qu’il revoie sa copie et propose une équipe mieux équilibrée et surtout, avec des joueurs qui évoluent à leurs postes de prédilection.
C’est chose faite dans l’annonce de la formation qui doit affronter Amiens le 13 janvier 1946 au Stade Malakoff.
Avenir de l’Ouest (11/1/1946) :
“Le Football Club Nantais est à la croisée des chemins. Le championnat professionnel entre dans sa phase finale et c’est le moment ou jamais de se placer pour le sprint.
Après l’ère des fantaisies et des errements, il importait donc de composer une équipe stable. Le grand club nantais l’a si bien compris qu’il nous annonce pour dimanche une formation qui, à notre avis, semble la meilleure possible. La voici :
David - Garrec, Lemaitre - Gergotich, Sellin, Kerdraon - Crépin, Maestroni, Ruffini, Raab, Rivero.
Pour la première fois depuis longtemps, la ligne d’avants a de l’allure. Nous y trouvons enfin deux ailes équilibrées, au centre de laquelle Ruffini, mis en confiance, ne manquera pas de s’imposer.
Ce qui est mieux, et nous sommes heureux de les en féliciter, les dirigeants nantais ont pris la ferme décision de maintenir cette composition jusqu’à la fin de la saison, quels que soient les résultats obtenus.
Cette ligne de conduite rencontrera l’appui total du public qui, par ses réactions, a clairement défini sa position à ce sujet. Gageons qu’il sera nombreux sur la touche pour assister à la résurrection de ses favoris.”
Visiblement, la Direction du club a mis la pression sur l’entraineur. Un entraineur fragilisé qui voit ses dirigeants commencer à s’immiscer dans le domaine sportif, un secteur pourtant normalement réservé à Aimé Nuic qui apprécie peu qu’on puisse lui imposer des compositions d’équipes. Cela laissera des traces en fin de saison…toujours est-il que les jaune et vert réalisent, face à Amiens, un de leur plus beaux matchs de la saison et l’emporte (4-1) :
 La ligne d’attaque, si souvent critiquée, est apparue revigorée. Il est vrai que le retour de Crépin y est sans doute pour quelque chose…Le seul point noir reste la blessure de Maurice Sellin qui sera absent pour les prochaines semaines.
On attend donc la confirmation de ce retour en forme pour le déplacement à Colmar où les attend un terrain gelé et un arbitre malheureusement partial qui, en accordant un but hors-jeu des locaux et en fermant les yeux sur un tir de Nuic repoussé des deux poings par un défenseur alsacien devant sa ligne de but, entérinera la défaite des nantais (2-1). La belle prestation nantaise fut bien mal payée en la circonstance, des regrets mais pas de points…
Des déplacements aussi longs que ceux à Colmar coûtent cher au club et le trésorier fait grise mine quand il constate que la recette du match en Alsace ne comble pas les frais du voyage.
On organise donc une rencontre amicale de Gala le 3 février 1946 à Malakoff pour renflouer les caisses. Le prestigieux Stade de Reims est en visite dans la Cité des Ducs. Emmenés par leur entraineur-joueur Henri Roessler, les jeunes Jonquet, Marche, Sinibaldi ou Flamion commencent à faire parler d’eux et devraient attirer la grande foule à Malakoff.
Rapidement les nantais sont débordés, ils n’ont pas encore touché la balle que déjà le panneau des scores affiche 1-0 pour le Stade de Reims (après 30 secondes !!!). Puis 2-0 après 12 minutes, les rémois marquent un troisième but, heureusement annulé pour hors-jeu celui-la. Petit à petit, malgré tout, les nantais font surface et ont l’occasion de réduire la marque sur pénalty. Hélas, la barre transversale renvoie le tir de Crépin, décidément les canaris ne sont pas en réussite dans cet exercice ! Un autre pénalty est sifflé, en faveur de Reims cette fois. Heureusement, David arrête magnifiquement. La pause est donc sifflée sur le score de 0-2 en faveur des champenois qui procèdent alors à quelques changements. Au retour des vestiaires, changement de physionomie, les attaquants nantais vont se déchainer et faire craquer la défense rémoise. C’est tout d’abord Ruffini qui marque sur service de Crépin puis c’est encore “Ruffini, touché par la grâce, qui, lancé par Maestroni, échappe au marquage, prépare sa balle et décoche un tir en biais contre lequel Ruminsky ne peut rien.” Le public est en liesse et se retire comblé par la production de ses favoris (2-2).
En deuxième mi-temps, les supporters jaune et vert ont eu la surprise de découvrir un nouvel arrivant dans les buts du F.C.N. Un certain Charles Drummer, un lorrain qui devient la nouvelle doublure de Gaston David :
Avenir de l’Ouest (6/2/1946) :
“Un jeune joueur a fait sensation dimanche à Malakoff. Il s’agit du goal Charles Drummer, dont la subite révélation n’a pas manqué d’impressionner les spectateurs présents. Récemment démobilisé et désireux de faire une grande carrière de footballeur professionnel il a eu l’idée lumineuse de venir auparavant consulter son ami et ex-professeur Nuic. Ce dernier n’a eu qu’à lui mettre la main au collet et les dirigeants du F.C. Nantes n’ont pas raté le coche. Nous les en félicitons.”
Mais c’est bien David qui garde les buts nantais, le dimanche 10 février, face à Mulhouse. On se souvient dans les rangs canaris du douloureux match aller perdu sur un score lourd. Pourtant ils devront partager les points (2-2) avec les visiteurs en se faisant rejoindre bêtement alors qu’ils menaient (2-0). Une nouvelle fois, la prestation des jaune et vert fut bonne mais les points ont du mal à tomber dans leur escarcelle… Ils glissent lentement au classement où ils pointent à la 9ème position avant de jouer le derby retour contre les redoutables angevins (3èmes).
En terre angevines, le F.C.N va s’incliner face à un S.C.O qui, sur l’ensemble des 2 matchs aller et retour, lui est indéniablement supérieur. La victoire (2-0) des locaux est indiscutable même si les visiteurs eurent un bon passage durant 20 minutes en deuxième période.
Quand le F.C.N regagne les vestiaires à la pause le dimanche suivant, mené (0-2) par Douai, on se dit alors qu’il est bien loin le prestigieux match nul contre Reims qui avait alors fait naitre tant d’espoir. Et pourtant, le match nul (2-2), arraché au mérite en deuxième mi-temps sera le début de la plus belle série des canaris qui, décidément, sont surprenants.
C’est d’abord un match amical remporté largement contre le S.C.O Angers (5-2), avec un triplé de Crépin, qui vient démontrer la bonne forme des hommes de Nuic qui marquent encore 4 fois sur le terrain de Besançon (2-4) qui les avait pourtant battu au match aller à Malakoff.
Mais le principal fait d’armes de cette saison intervient le 24 mars 1946 à Malakoff. Les onze ”jaunes et verts” créent l’exploit en faisant mordre la poussière au leader du championnat : Nancy (18 victoires, 2 nuls et 1 seule défaite à ce stade de la saison).
18/11/1945 (13ème journée D2) : F.C.Nantes 2-0 Nancy
(Extrait de Avenir de l’Ouest 25/3/1946)
L’inévitable René Crépin ouvre la marque sur coup-franc juste avant la pause, puis Maestroni réussit une superbe frappe, et les futurs champions de France de Deuxième Division, connaissent ainsi à Nantes une de leurs 2 seules défaites de la saison.
La semaine suivante est mise à profit, faute de championnat, pour jouer des clubs amateurs en Bretagne. Les deux matchs joués à Penmarch et à Rosporden permettent de mettre un peu d’argent dans les caisses et de garder les joueurs en forme avant la nouvelle réception de Valenciennes, placée juste devant les canaris.
Le 7 avril au Parc Malakoff, le F.C.N confirme son excellent forme de fin de saison et écrase les nordistes par 4 buts à 0 avec un triplé d’Edmond Lemaitre placé à la pointe de l’attaque ce jour là . Puis c’est Le Mans qui s’incline à domicile face aux nantais (0-2) décidément en état de grâce.
Un peu tard, malheureusement, c’est la fin du championnat. Ils avaient joué le premier match à Paris, ils joueront le dernier match également dans la capitale en rendant visite au Stade Français. Pas d’enjeu pour cette rencontre, les Stadistes ont consolidé leur deuxième place, synonyme d’accession, et les canaris ne peuvent plus espérer quoi que ce soit. Ils vont mettre un point d’honneur à faire mieux que résister face aux stars parisiennes (privées de Ben Barek pour ce match) et ne s’inclineront que par 3 à 2, alors qu’un match nul eut été mérité pour les visiteurs.
Au final le FCN termine 5ème pour son premier exercice à ce niveau. Avec 16 buts marqués, malgré une absence de quelques semaines en milieu de saison pour cause d’épanchement de synovie, René Crépin termine 4ème meilleur buteur de la division. Il est, de loin, l’attaquant nantais qui s’est montré le plus efficace.
Un classement remarquable pour un club néo pro même si on notera que les rivaux angevins ont toutefois fait mieux (3èmes) et surtout ont battu les nantais à deux reprises. Une rivalité entre les deux clubs est alors en train de naitre, qui perdurera jusqu’aux années 70 avant que le S.C.O ne parvienne plus à suivre la cadence imprimée par des canaris au sommet de leur gloire.
Concernant la fréquentation du Stade Malakoff, le F.C.N capitalise la 4ème meilleure recette de la 2ème Division avec 2 237 600 francs encaissés aux guichets pour 39 736 spectateurs payants, une moyenne donc de 172 000 francs par match et un peu plus de 3 000 spectateurs. C’est très honorable pour une ville qui découvre les grands matchs de football, plus habituée au ballon ovale. Mais cela reste en de ça du voisin angevin, meilleure affluence de D2 avec près de 5 000 spectateurs à chacune de ses rencontres.
Place désormais aux traditionnels matchs amicaux de fin de saison, qui viennent meubler la trop longue trêve des footballeurs. On commence par rencontrer une sélection Luxembourgeoise bien pâle qui encaisse lourdement (7-1) le 28 avril, puis c’est Sochaux (récemment relégué en Deuxième Division) qui en prend 8 à son tour le 20 mai. Heureusement une Entente Bruxelloise opposera plus de résistance le 25 mai, les canaris l’emportant de justesse par 4 buts à 3. C’est matchs amicaux sont l’occasion de faire des essais avec des recrues potentielles. C’est ainsi que Scuillier, attaquant habituel de Penmarch, marque 3 buts face aux sochaliens et 3 autres contre Bruxelles. Inutile de dire qu’il a plu aux dirigeants nantais… Le 2 juin, nouvelle victoire à Cholet (0-4).
On va terminer la saison en beauté avec la Coupe Odorico, organisée entre les 4 clubs pros de l’ouest, Rennes, Angers, Le Mans et Nantes. Ce challenge Odorico a été fondé par le Stade Rennais en mémoire de son principal animateur pendant vingt ans. C’est Odorico qui a mis le Stade Rennais à la place où il est alors et lui permettre de tenir pendant les premières années du professionnalisme.
C’est justement le Stade Rennais qui sera opposé au F.C. Nantes le 10 juin au Stade Malakoff pour la demi-finale. Les rennais privés de quelques uns de leurs meilleurs joueurs (dont Prouff) s’inclinent devant les canaris (3-1). Dans le même temps, Le Mans bat Angers (2-1) et rejoint donc les nantais en finale.
Cette finale se joue à Angers le 16 juin, le FCN l’emporte face à l’US Le Mans (1-0) grâce “à sa volonté, à son dynamisme et à une défense sans faiblesse” et grâce aussi à un but de… Crépin !
“Les quelques nantais, noyés parmi la foule enthousiaste des sportifs angevins, n’oublieront pas de sitôt l’émotion qui les étreignit lorsque le précieux trophée fut remis entre les mains de Raab, au milieu des commentaires flatteurs des amis et adversaires. Ce geste récompensait justement la victoire des meilleurs du jour.”
Extrait de l’Avenir de l’Ouest (20 juin 1946)
Comme l’écrit l’Avenir de l’Ouest le 17 juin 1946 : “La fin de saison remarquable des coéquipiers de Raab et Sellin nous autorise à envisager la future saison sous les meilleurs auspices. La chose est sûre maintenant : nous aurons une grande équipe, l’an prochain, à Nantes”.
Le 23 juin, les joueurs sont en vacances après un dernier match amical joué à Rennes face au Stade Rennais (3-3).
Durant cette première saison en Deuxième Division certains joueurs nantais ont démontré des capacités qui intéressent forcément des clubs plus huppés, notamment ceux de Première Division. Ainsi Maurice Sellin est-il rapidement courtisé par les voisins du Stade Rennais, il fait même un essai concluant avec les rouge et noir fin juin. Le F.C.N aura bien du mal à le retenir dans ces conditions… Edmond Lemaitre reçoit, également, des propositions venues du Red Star, du Racing et de Montpellier, il demande donc à être placé sur la liste des transferts…
Avec le concours de l’Avenir de l’Ouest, faisons maintenant connaissance avec 3 des joueurs majeurs de la saison 1945-46 du F.C.Nantes, en commençant par le gardien de but :
Le milieu tout terrain :
Le Goleador :
La fin de saison est aussi le moment choisi par les plus fervents supporters du club pour se regrouper officiellement en association et fonder le premier club de supporters du FCN. Il est baptisé “Les Amis du F.C. Nantess” et deviendra 30 ans plus tard “Allez Nantes Canaris”, un club toujours actif actuellement. Je rends hommage à ces premiers supporters.
Bilan de la saison :
Tags: 1945, 1946, Coupe Odorico, FC NantesChampionnat de Deuxième Division Groupe Nord
1ère journée :   CA Paris 0-2 FC Nantes (26/8/45)
(buts : Crépin, Ruffini)
2ème journée :  FC Nantes 0-2 Troyes (2/9/45)
3ème journée :  FC Nantes 1-0 Angoulême (9/9/45)
(but : Crépin (sp))
4ème journée :  Amiens 1-0 FC Nantes (16/9/45)
5ème journée :  FC Nantes 6-2 Colmar (23/9/45)
(buts : Crépin x2, Rivero, Docquin, ?, ?)
6ème journée :  Mulhouse 6-1 FC Nantes (30/9/45)
(but : Crépin)
7ème journée :  FC Nantes 1-2 Angers (7/10/45)
(but : Lemaitre)
8ème journée :  Douai 3-3 FC Nantes (14/10/45)
(buts : ?, Crépin x2)
10ème journée :  Nancy 4-3 FC Nantes (28/10/45)
(buts : Crépin x2, Ruffini)
11ème journée : Valenciennes 2-2 FC Nantes (4/11/45)
(buts : Le Floch x2)
12ème journée : FC Nantes 1-0 Le Mans (11/11/45)
(but : Le Floch)
13ème journée : FC Nantes 0-2 Stade Français (18/11/45)
14ème journée : FC Nantes 1-0 CA Paris (2/12/45)
(but : Raab)
15ème journée : Troyes 1-2 FC Nantes (9/12/45)
(buts : ?)
16ème journée : Angoulême 2-1 FC Nantes (23/12/45)
(buts : ?)
9ème journée : FC Nantes 0-2 Besançon (30/12/45)
17ème journée : FC Nantes 4-1 Amiens (13/1/46)
(buts : Raab x2, Rivero, Crépin)
18ème journée : Colmar 2-1 FC Nantes (20/1/46)
(but : Ruffini)
19ème journée : FC Nantes 2-2 Mulhouse (10/2/46)
(buts : Crépin, Ruffini)
20ème journée : Angers 2-0 FC Nantes (17/2/46)
21ème journée : FC Nantes 2-2 Douai (24/2/46)
(buts : Rivero, Crépin)
22ème journée : Besançon 2-4 FC Nantes (10/3/46)
(buts : Crépin x2, Le Floch, Rivero)
23ème journée : FC Nantes 2-0 Nancy (24/3/46)
(buts : Crépin, Maestroni)
24ème journée : FC Nantes 4-0 Valenciennes (7/4/46)
(buts : Le Floch, Lemaitre x3)
25ème journée : Le Mans 0-2 FC Nantes (14/4/46)
(buts : ?)
26ème journée : Stade Français 3-2 FC Nantes (22/4/46)
(buts : Crépin, Lemaitre)Classement
Clasmt                Pts  J  V N D  Bp  Bc  Diff
1 Nancy               46  26 22 2 2 84  28 +56
2 Stade Français 40  26 18 4 4 64  31 +33
———————————-
3 Angers              33  26 15 8  3 47  42 +5
4 Angoulême       28 26 12 4 10 45  37 +8
5 FC Nantes     26 26 11 4 11 47 43 +4
6 Colmar              26 26 10 6 10 51  51  0
7 Valenciennes    25 26 10 5 11 47  44  +3
8 CA Paris           24 26 11  2 13 48  52  -4
9 Besançon          23 26 10 3 13 47  52  -5
10 Amiens           20 26 8  4 14 40 49  -9
11 Le Mans         19  26 7  5 14 35 47  -12
12 Douai              19  26 7  5 14 39 64  -25
13 Troyes            19 26 6  7 13 35 61   -26
———————————–
14 Mulhouse       16 26 6  4 16 39 67  -28Coupe de France
5ème tour
Saumur 1-0Â FC Nantes (25/11/45)Coupe Odorico
Demi-Finale le 10 juin 1946 Ã Nantes
FC Nantes 3-1 Stade Rennais
(buts : Rivero, Lemaitre, Le Floch)Finale le 16 juin 1946 Ã Angers
FC Nantes 1-0 U.S. Le Mans
(but : Crépin)Dernière mise à jour : 24/1/2025
31 décembre 2008 à 12:52
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